Site archéologique de Sidi Said

SIDI SAID : UN SANCTUAIRE RURAL ENTRE MÉMOIRE ANTIQUE ET SPIRITUALITÉ POPULAIRE

Dans une plaine alluviale discrète, entre les méandres du fleuve Sebou et les dunes de l’Atlantique, le marabout de Sidi Saïd se distingue par son architecture simple et son histoire complexe. Découvert en 1986 par la Mission archéologique du Sebou, ce site se situe à environ 2,5 km du fleuve et à 5,25 km de l’océan, dans une région jusqu’alors peu étudiée d’un point de vue archéologique. Contrairement aux autres lieux de culte alignés le long d’un ancien itinéraire côtier, Sidi Saïd se singularise par son emplacement plus isolé, près de l’oued el-Fakroun – aujourd’hui réduit à un simple canal. Aujourd’hui, le sanctuaire se dresse seul au milieu d’un paysage verdoyant de cultures maraîchères.

Des pierres venues d’ailleurs

Sous son apparente modestie, le sanctuaire recèle un trésor inattendu : des éléments architectoniques antiques :  fûts de colonnes en marbre rose ou gès dur, blocs de taille en grès taillé soigneusement remployés dans la structure. Leur origine ? Probablement les ruines de Thamusida, l’antique cité romaine située de l’autre côté du fleuve, à seulement 7 km. Le Sebou n’a jamais constitué une barrière infranchissable : des gués y existaient dès les années 1900, et des traversées à pied y sont encore fréquemment observées aujourd’hui.

Un palimpseste architectural vivant

Le marabout de Sidi Saïd représente un exemple rare de réutilisation de matériaux antiques dans un contexte religieux populaire. Ce phénomène, appelé spoliation, est courant dans le monde méditerranéen, mais ici, il témoigne d’une continuité culturelle entre l’Antiquité romaine et l’Islam, probablement médiéval, puis contemporain. Les pierres, les croyances et les pratiques se superposent, créant un palimpseste vivant où chaque élément raconte une histoire de transmission, de transformation et de résilience.

Un sanctuaire au cœur du monde rural

Aujourd’hui, le site est entouré de vastes étendues cultivées en maraîchage, offrant une atmosphère paisible et propice à la méditation. Le marabout est un lieu de culte actif, fréquenté par les habitants de la région pour des prières, des bénédictions et des rituels. Il incarne une forme de spiritualité enracinée dans le quotidien des paysans, loin des circuits touristiques traditionnels.

Pourquoi cela compte

Sidi Saïd n’est pas seulement un lieu de culte populaire : c’est un témoin silencieux de l’histoire complexe du Maroc, où les strates antiques, médiévales et contemporaines se superposent harmonieusement. Il invite à reconsidérer les « petits » sites souvent négligés au profit des ruines monumentales, mais riches de récits invisibles. Ce sanctuaire rural nous rappelle que l’histoire ne se lit pas uniquement dans les grandes cités antiques, mais aussi dans les lieux modestes où la mémoire collective se perpétue au quotidien.