Eglise Thérèse de l’Enfant-Jésus

Une église coloniale dans le paysage de Khémisset

L’église Thérèse de l’Enfant-Jésus fut construite à Khémisset durant le protectorat français, dans un contexte marqué par une volonté affirmée des autorités coloniales de renforcer la présence chrétienne dans les régions marocaines stratégiques. Édifiée dans le quartier de Bzemmour, elle incarnait une tentative d’enracinement du mouvement missionnaire au cœur des tribus Zemmour, jugées influentes. L’édifice religieux, typique de l’architecture chrétienne du début du XXe siècle, devint un symbole de la politique d’acculturation coloniale, en opposition aux institutions islamiques locales.

L’église au cœur des tensions religieuses et politiques

L’Église Sainte Thérèse ne fut pas seulement un lieu de culte : elle fut aussi le théâtre indirect d’un événement marquant de la résistance marocaine. Le 22 octobre 1937, une manifestation éclata à Khémisset en réponse à une série de provocations perçues par la population musulmane, notamment le soutien affiché de l’observateur colonial Bossi à l’Église et l’interdiction faite aux étudiants des écoles coraniques d’organiser leur fête annuelle. Tandis que les catholiques français organisaient un pèlerinage à Sainte Thérèse, les fidèles musulmans, sortant de la mosquée, déclenchèrent une marche pacifique revendiquant l’application de la charia et la préservation de l’identité islamique. La répression fut brutale : arrestations, affrontements sanglants, martyrs et condamnations s’enchaînèrent, faisant de cette journée une date clé de la lutte contre le colonialisme.

Une reconversion symbolique : du culte à la culture

Aujourd’hui, l’ancienne église Thérèse de l’Enfant-Jésus a changé de vocation. Transformée en Complexe Al Atlas, elle n’est plus un lieu de culte mais un espace dédié à des activités culturelles, associatives et sociales. Cette reconversion symbolise le retournement de l’histoire : un édifice autrefois perçu comme instrument de domination est devenu un lieu d’ouverture, réinvesti par la communauté locale. En détournant l’usage initial du bâtiment, les habitants de Khémisset ont ainsi réaffirmé leur identité culturelle et religieuse tout en inscrivant leur ville dans une dynamique de développement et de mémoire collective.