
Le bien inscrit
Située sur la façade atlantique, au nord-ouest du Maroc, Rabat est le résultat d’un dialogue fructueux entre le passé arabo-musulman et le modernisme occidental. Le site comprend la « ville nouvelle », conçue et construite sous le Protectorat français de 1912 aux années 1930, incluant la résidence royale, des administrations coloniales, des ensembles résidentiels et commerciaux, le jardin d’Essais – botanique et d’agrément.
On y trouve aussi des parties anciennes de la ville qui remontent parfois au XIIe siècle. La « ville nouvelle » représente un des plus grands et plus ambitieux projets urbains du XXe siècle en Afrique, probablement le plus complet.
Les parties anciennes abritent la mosquée Hassan (début de la construction en 1184) ainsi que les remparts et portes almohades, seuls vestiges subsistant d’un grand projet de ville capitale du califat almohade. On y trouve aussi des vestiges de la principauté morisque, ou andalouse, du XVIIe siècle.
Valeur Universelle Exceptionnelle (VUE)
Rabat apporte le témoignage d’une ville capitale conçue dans le cadre du protectorat, au début du XXe siècle. Le projet réalise l’adaptation des valeurs modernistes de l’urbanisme et de l’architecture au contexte du Maghreb, tout en s’inscrivant dans la trame de la ville ancienne et de ses nombreuses composantes historiques et patrimoniales. Le résultat exprime l’émergence d’un style architectural et décoratif original propre au Maroc contemporain.
Bien conservée, la ville moderne a été conçue de manière rationnelle, comprenant des quartiers et des bâtiments aux fonctions bien déterminées et aux importantes qualités visuelles et architecturales. La ville moderne est caractérisée par la cohérence de ses espaces publics et par la mise en œuvre d’idées hygiénistes (réseaux, rôle de la végétation, etc.). L’habitat est illustré par des quartiers à l’identité bien affirmée : médina et qasba, quartiers résidentiels et des classes moyennes de la ville moderne, enfin le quartier néo-traditionnel des Habous de Diour Jamaâ. La ville intègre en son sein une somme importante d’éléments monumentaux, architecturaux et décoratifs issus des différentes dynasties antérieures. Rabat ville moderne concrétise un urbanisme précurseur, soucieux de la conservation des monuments historiques et de l’habitat traditionnel.
La réappropriation du passé et son influence sur les architectes et les urbanistes du XXe siècle ont produit une synthèse urbaine, architecturale et décorative originale et raffinée. L’ensemble offre à voir un héritage partagé par plusieurs grandes cultures de l’histoire humaine : antique, islamique, hispano-maghrébine, européenne.
Critères d’inscription
Le bien Rabat, capitale moderne et ville historique : un patrimoine en partage, est inscrit sur la liste du patrimoine mondial selon les critères (ii) et (iv) :
Critère (ii) : Par son ensemble urbain, ses monuments et ses espaces publics, la ville moderne de Rabat respecte les nombreuses valeurs du patrimoine arabo-islamique antérieur et s’en inspire. De manière exceptionnelle, elle témoigne de la diffusion des idées européennes du début du XXe siècle, de leur adaptation au Maghreb et, en retour, d’une influence sur l’architecture et les arts décoratifs autochtones.
Critère (iv) : La ville apporte un exemple éminent et achevé d’urbanisme moderne, pour une ville capitale du XXe siècle, par une organisation territoriale fonctionnelle qui assume une intégration des valeurs culturelles du passé au sein du projet moderniste. La synthèse des éléments décoratifs, architecturaux et paysagers, de même que le jeu d’opposition entre présent et passé, offrent un ensemble urbain raffiné et rare.
Intégrité
Les différentes dimensions de l’intégrité du bien sont satisfaisantes : l’équilibre entre le plan d’urbanisme de la ville moderne et la conservation de ses nombreuses strates urbaines antérieures, l’intégrité de l’habitat de ses différents quartiers, l’intégrité des ensembles archéologiques, les fortifications de l’enceinte almohade convenablement conservées, etc. Toutefois, il est nécessaire de veiller à l’impact des grands travaux envisagés extérieurement au bien, notamment à la vue sur le bien et sur le Bouregreg depuis le site proéminent de la Qasba.
Authenticité
De nombreux éléments individuels figurent dans les descriptions des inventaires et ils permettent d’affirmer un niveau d’authenticité important des éléments constitutifs du bien, notamment de l’authenticité urbaine perçue. Plus largement, les conditions d’authenticité en termes urbains et monumentaux sont satisfaisantes. Toutefois, des données quantifiées sur l’authenticité individuelle des immeubles d’habitation compléteraient utilement la démarche d’inventaire déjà mise en place.
Composantes du bien inscrit
MAUSOLEE MOHAMMED V ET MOSQUÉE HASSAN
Zone tampon

Coté Rabat
La zone tampon couvre une superficie de 852 hectares et englobe des secteurs historiques et naturels essentiels à la préservation du site. Elle se divise en trois parties principales : côté Rabat, côté Salé et la vallée du Bouregreg.
La zone tampon côté Rabat comprend plusieurs quartiers résidentiels et espaces côtiers qui prolongent l’histoire et l’urbanisme de la ville.
Les remparts et portes de Rabat conservent également des éléments historiques significatifs, notamment Bab Al Qbibat et Bab Marrakech, les deux portes encore intactes du rempart alaouite du XVIIIᵉ siècle. Cette enceinte, longue de 4 300 mètres, s’étendait de l’océan Atlantique jusqu’aux limites sud-est des remparts almohades.
Un des sites majeurs de cette zone est l’imposant fort Rottembourg, aussi connu sous le nom de Borj al Kbir ou fort Hervé. Construit à la fin du XIXᵉ siècle pour défendre le littoral, il abrite encore une batterie de canons pointés vers l’océan. Ce fort, composé d’un bâtiment rectangulaire en béton et maçonnerie, était autrefois relié à des casemates servant de logement aux soldats et de dépôt de munitions. Aujourd’hui le fort est devenu le Musée national de la photographie.

Coté Salé
La zone tampon côté Salé inclut la médina de Salé, un espace urbain historique qui partage une histoire commune avec Rabat. Son développement s’est particulièrement accéléré sous les dynasties almohade et mérinide, laissant un héritage architectural important. Parmi les sites majeurs, on retrouve la Grande Mosquée almohade, troisième plus grande mosquée du Maroc, les remparts mérinides, la monumentale porte Bab El Mrissa, qui témoignent de l’importance stratégique et commerciale de la ville et enfin les deux Borj Addoumoue et Rokni, deux forteresses qui font partie de l’enceinte de la médina de Salé classée patrimoine national depuis 1914.
La médina de Salé est également connue pour son passé de centre corsaire, ayant accueilli au XVIᵉ et XVIIᵉ siècles des Morisques andalous qui ont contribué à sa prospérité économique et maritime. La médina abrite aujourd’hui encore de nombreux riads hispano-moresques, zaouïas et marabouts, témoignant de sa riche tradition spirituelle et intellectuelle.

La vallée du Bouregreg
La vallée du Bouregreg constitue une composante essentielle de la zone tampon, s’étendant sur le lit et les berges du fleuve côtier, depuis le centre urbain historique jusqu’à son embouchure maritime. Ce territoire est marqué par un paysage naturel remarquable, caractérisé par une plaine alluviale humide, des zones salées, ainsi qu’un riche écosystème abritant une diversité d’espèces animales et végétales.
Cette zone joue un rôle écologique important, servant de refuge à de nombreux oiseaux, amphibiens et poissons. Son intégration à la zone tampon vise à préserver cet équilibre fragile face aux risques liés à l’urbanisation.