Musique Malhoun

Le Malhoun : Poésie Chantée au Cœur de la Mémoire Marocaine

Le Malhoun est l’une des expressions artistiques les plus emblématiques du Maroc. À la croisée de la poésie populaire et de la musique savante, cet art chanté est profondément enraciné dans la mémoire collective du peuple marocain. Né dans les médinas des grandes villes comme Fès, Meknès, Marrakech ou Tafilalet, le Malhoun s’est imposé comme la voix de l’âme populaire, celle des artisans, des lettrés, des mystiques et des amoureux du verbe.

Transmis de génération en génération à travers l’oralité, cet art mêle poésie en darija (arabe dialectal marocain) et musiques traditionnelles dans une forme artistique riche et expressive. Il aborde des thèmes universels : l’amour, la spiritualité, la nature, la sagesse ou encore les préoccupations sociales, avec une puissance évocatrice qui continue de séduire.

En 2023, cet art a été officiellement inscrit sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO, consacrant son importance en tant que trésor vivant de la culture marocaine et de l’héritage arabe. Ce classement reconnaît non seulement la valeur artistique du Malhoun, mais aussi sa fonction sociale essentielle : transmettre la mémoire, les valeurs, la langue et l’identité.

Une Esthétique Orale et Musicale Unique

Le Malhoun repose sur la qasida, poème long, structuré et chanté selon des règles rythmiques précises. Chaque qasida suit une architecture poétique rigoureuse, souvent composée de plusieurs dizaines de vers, avec une musicalité propre. Le chant est porté par un ensemble instrumental traditionnel comprenant le oud, le rebab, le qanun, le violon à la marocaine, ainsi que des percussions telles que le bendir et la taarija.

Ce qui distingue le Malhoun, c’est son équilibre entre la forme poétique et la performance musicale. L’interprète – souvent lui-même auteur ou connaisseur des grands maîtres – module sa voix selon les émotions du texte, allant de la récitation douce à la puissance expressive du chant. Chaque mot est pesé, chaque rime est porteuse de sens, chaque silence a une valeur.

Le Malhoun se vit autant qu’il s’écoute. Il est méditatif, lyrique, populaire mais lettré, et toujours ancré dans une tradition orale où l’humain est au centre : le poète, le musicien, l’auditoire.

Un Trésor Vivant au Cœur de la Culture Marocaine

Grâce à l’engagement de maîtres-artistes, d’associations culturelles, de chercheurs et d’institutions, le Malhoun connaît aujourd’hui un renouveau. Des conservatoires et plusieurs cercles culturels et cafés littéraires accueillent régulièrement des soirées dédiées au Malhoun ,à Rabat, Fès ou Marrakech enseignent cet art, tandis que de grands festivals, comme celui de Fès ou de Meknès, mettent en lumière sa richesse à l’échelle nationale et internationale.

Le classement par l’UNESCO vient renforcer la dynamique de transmission et de sauvegarde de cet art, incitant les nouvelles générations à s’en approprier les codes et à le faire vivre avec authenticité. Le Malhoun n’est pas qu’un art patrimonial : il est un langage de l’émotion, une école du verbe, une expression de l’âme marocaine.

À la fois musique, poésie et mémoire, le Malhoun rappelle que le patrimoine vivant est un souffle qui traverse les siècles, réinventé par ceux qui, aujourd’hui encore, font vibrer les mots avec ferveur.