Site archéologique du Chellah

Sanctuaire d’histoire et de nature au bord du Bouregreg

Au cœur de la vallée du Bouregreg, à la lisière sud de Rabat, Chellah surgit comme un mirage de pierre et de verdure. Lieu sacré, cité antique et nécropole royale, ce site exceptionnel concentre plus de deux mille ans d’histoire, de spiritualité et de poésie. Ses vestiges romains, ses ruines médiévales et son jardin historique en font un espace unique, où la mémoire du passé dialogue avec la puissance du vivant.

Sala Colonia, la ville romaine du fleuve

Vers la fin du Ier siècle av. J.-C., Chellah s’impose comme un port fluvial stratégique, à la croisée des échanges entre l’Atlantique et l’intérieur du pays. Intégrée à l’Empire sous le nom de Sala Colonia, la cité prospère grâce à son port sur le Bouregreg, accessible aux embarcations venues de l’océan. L’urbanisme romain s’y déploie avec un forum, un capitole, des thermes, un decumanus, et un temple à portique.

Les fouilles ont révélé des mosaïques, des statues, des inscriptions et un riche mobilier attestant d’une activité commerciale et artisanale intense. Le lien entre la ville et l’Empire est aussi symbolique que pratique : des bornes milliaires, des autels dédiés aux divinités romaines et des fragments de monuments honorifiques ponctuent encore aujourd’hui le paysage archéologique.

La nécropole royale et l’enclos mérinide

Abandonnée après le retrait des Romains au IIIe siècle, la colline de Chellah est réinvestie au XIIIe siècle par les Mérinides. Le sultan Abou Yaacoub Youssef y fait construire une nécropole royale et un complexe religieux entouré d’une enceinte monumentale flanquée de tours. L’ensemble accueille une mosquée, une médersa, un minaret finement décoré et les tombeaux de plusieurs souverains.

Dans cet enclos, la spiritualité soufie trouve un écrin. Autour des mausolées, des pratiques de dévotion populaire se perpétuent, conférant au lieu une atmosphère mystique. Les bassins aux anguilles, les cigognes nichées sur les minarets et les figuiers sauvages renforcent cette impression de sanctuaire hors du temps.

Un jardin historique : entre vestiges, senteurs et contemplation

Au-delà de ses ruines, Chellah est aussi un jardin vivant : un espace de déambulation sensorielle et méditative, structuré autour des ruines et nourri par la mémoire du lieu. Entre les allées ombragées, les treilles de bougainvilliers, les figuiers, les grenadiers, les lauriers et les cyprès, la nature s’entrelace aux pierres millénaires.

Ce jardin inspiré des traditions de l’horticulture andalouse et mérinide, avec ses bassins, ses canaux d’irrigation traditionnels et ses essences parfumées. Il offre un havre de fraîcheur et de silence, idéal pour accueillir des activités de médiation, des lectures poétiques ou des visites guidées sensibles.

Un patrimoine vivant entre mémoire et nature

Chellah ne se limite pas à un passé figé. C’est aussi un jardin archéologique habité par une biodiversité remarquable, où l’architecture dialogue avec le végétal. Les travaux de restauration successifs ont permis de consolider les structures fragiles, de préserver les décors en stuc et en zellige, tout en valorisant le parcours du visiteur.

Classée patrimoine mondial au titre de Rabat, ville moderne et capitale historique, Chellah représente un site-pivot de l’identité patrimoniale marocaine, à la fois mémoire urbaine, lieu de contemplation, de transmission et de beauté.