La médina de Rabat, conçue selon les principes de l’urbanisme traditionnel marocain, illustre une structuration spatiale hiérarchisée et fonctionnelle. La séparation nette entre fonctions économiques et résidentielles témoigne d’une logique d’organisation implicite, où les métiers spécialisés se concentrent au cœur de la ville, tandis que les activités génératrices de nuisances sont reléguées en périphérie. Cette répartition traduit une volonté de préserver l’intimité de l’habitat, de réguler les flux urbains et de hiérarchiser les fonctions artisanales. L’agencement des souks, ateliers et quartiers résidentiels reflète à la fois la centralité commerciale, la stratification historique et l’adaptation aux contraintes techniques, environnementales et sociales, conformément aux visions traditionnelles de la cité.
La médina de Rabat trouve son origine à l’époque almohade, au XIIᵉ siècle, et son développement ultérieur est étroitement lié à l’arrivée massive des réfugiés andalous au XVIIᵉ siècle, qui contribua à son extension démographique et à la densification de son tissu urbain. L’enceinte intra-muros couvre une superficie d’environ 91 hectares et s’étend au pied de la Qasba des Oudayas, qui surplombe la ville, et est délimitée par l’océan Atlantique au nord-ouest, le cimetière de Laâlou à l’est et la rivière Bouregreg au sud.
Afin de garantir une meilleure protection aux quartiers des nouveaux arrivants andalous, un rempart supplémentaire fut édifié à partir de 1610. Hat de cinq mètres et se développant sur 1 400 mètres, cette enceinte nouvelle s’adosse à la muraille almohade depuis Bab el Had, et progresse selon un tracé rectiligne jusqu’à la falaise dominant le Bouregreg. Ce dispositif défensif fut ponctué de tours barlongues, assurant la surveillance et le contrôle des accès, et percé de trois portes stratégiques : Bab Tben , aujourd’hui disparue, Bab Chellah et Bab Bouiba. Par ailleurs, les portes originelles datant de l’époque almohade, Bab el Had et Bab Laâlou, furent conservées et intégrées dans le système fortifié, assurant à la fois la continuité des circulations et la cohérence du dispositif urbain de la médina.
L’architecture domestique de la médina de Rabat obéit à des fondements d’un art de bâtir profondément enraciné dans la tradition marocaine. Elle se distingue par son caractère résolument introverti, où la discrétion des façades, souvent austères et closes sur l’extérieur, dissimule une richesse intérieure insoupçonnée. Au cœur de ces maisons et demeures, le patio central s’impose comme l’élément nodal, garant d’une ventilation naturelle et d’une diffusion harmonieuse de la lumière, orchestrant la vie domestique dans un équilibre subtil entre fonctionnalité et esthétique. L’intérieur se déploie suivant une architecture d’obédience maroco-andaouse matérialisée par des arcs de différents types élégamment dessinés, bois finement sculpté ou peint, zelliges aux motifs polychromes, fontaines et végétation soigneusement agencée en jardins intérieures. Les matériaux utilisés comme le pisé, la pierre locale, cèdre noble et tuiles vernissées d’un vert profond reflète une parfaite adéquation aux exigences du climat de rabat, tout en conférant à l’édifice une robustesse pérenne. Ces habitations incarnent un mode de vie ancestral, où l’intimité familiale, le confort et la quête de beauté s’entrelacent dans une symphonie architecturale d’une rare cohérence. Elles témoignent d’une d’un savoir-faire authentique qui fait de la médina de rabat un haut lieu de patrimoine immatériel liée l’artisanat et les arts du bati traditionnel.
Le commerce et l’artisanat constituent des activités structurantes de la médina de Rabat, organisant à la fois sa trame urbaine et son dynamisme économique. Deux axes principaux illustrent cette vocation marchande : la rue des Consuls et la rue Souiqa. La première servait de centre d’échanges internationaux, intégrant la ville dans les circuits commerciaux méditerranéens et atlantiques. La rue Souiqa, quant à elle, conserve sa fonction de pôle artisanal majeur, accueillant des ateliers et des échoppes où se pratiquent des métiers traditionnels. Ces espaces témoignent d’une économie locale profondément enracinée dans des savoir-faire ancestraux et d’une organisation spatiale hiérarchisée. Une des incarnations de ces activités on trouve les fondouks, anciens caravansérails, qui accueillaient voyageurs marchands et marchandises. Ces structures servaient autrefois de lieux de commerce et d’hébergement, réhabilités récemment ils conservent aujourd’hui leur architecture traditionnelle marquée par des patios à ciel libre des galeries à arcades et des chambres ou échoppes.
À l’instar des principales médinas du Maroc, celle de Rabat se caractérise par une concentration significative d’édifices religieux, lesquels jouent un rôle structurant dans l’organisation spatiale et sociale de la ville intra-muros. L’inventaire actuel recense neuve grande mosquée, quarante et un oratoires de quartier et treize zaouïas, constituant autant de lieux de culte, d’enseignement religieux et de sociabilité communautaire. Cette densité cultuelle témoigne d’une stratification historique où chaque phase d’extension ou de recomposition du tissu urbain s’est accompagnée de la création de pôles religieux de proximité. Ces édifices ne relèvent pas uniquement d’une fonction liturgique, ils participent activement à la structuration des quartiers, à la transmission du savoir islamique et à la consolidation des liens sociaux. Leur répartition spatiale reflète ainsi l’intensité de la vie spirituelle qui anime la médina depuis sa genèse, tout en traduisant les dynamiques politiques, culturelles et religieuses qui ont façonné son évolution. Au nombre de ces lieux de culte on cite : Masjid Al Kabir, moquée Moulay el Mekki, mosquée El Qobba, mosquée el Gazzarine, mosquée zaouia Moukhtariya, mosquée Dinia, mosquée Nakhla. Outre le patrimoine religieux islamique, la médina de Rabat conserve également des édifices liés au culte juif. La synagogue Rabbi Shalom Zaoui, implantée au cœur de l’ancien Mellah, constitue l’un des témoignages les plus représentatifs de cet héritage pluriconfessionnel. Édifiée selon une esthétique architecturale d’inspiration mauresque, elle porte le nom d’un rabbin profondément respecté pour son autorité morale et spirituelle et revêt ainsi une importance singulière dans l’histoire et la mémoire de la communauté juive de Rabat.