Bab el-Mrisa

Une porte monumentale tournée vers la mer

Bab el-Mrisa, située sur la façade orientale des remparts de Salé, est l’une des portes les plus emblématiques et énigmatiques de la ville. À l’opposé des portes défensives habituelles, elle se distingue par son immense arcade brisée en fer à cheval, encadrée d’une bande sculptée et d’une inscription en écriture koufique. Flanquée de deux tours élancées aux décors sobres mais élégants, elle offre une silhouette étonnamment ouverte vers le ciel, en rupture avec l’austérité habituelle des fortifications.

Une porte marine oubliée par le temps

Selon la tradition locale, Bab el-Mrisa était autrefois une porte marine donnant accès à un port intérieur aujourd’hui ensablé, situé à l’emplacement de l’actuel Mellah. Ce port fut le théâtre des activités des célèbres corsaires de Salé, dont les navires franchissaient cette vaste ouverture avant de s’élancer sur l’oued Bouregreg. L’architecture singulière de la porte – faible profondeur, entrée droite, arc monumental – témoigne de cette vocation maritime. Contrairement aux portes terrestres aux accès coudés, Bab el-Mrisa privilégiait un passage direct, pensé pour les embarcations.

Un édifice défensif et symbolique

Malgré son apparente ouverture, la porte intégrait des dispositifs défensifs ingénieux : salles voûtées, meurtrières orientées vers le canal, plates-formes de tir, et chambres de guet permettant de surveiller toute tentative d’intrusion. Si l’édifice a perdu une partie de sa structure initiale, notamment sa voûte primitive, ses fondations et ses éléments encore visibles permettent de reconstituer un système de défense maritime sophistiqué.

Une architecture inachevée mais pleine de caractère

Construite en pierre de taille sur sa façade principale, la porte révèle un contraste saisissant entre l’ambition de son décor extérieur et la sobriété de ses finitions intérieures. Certaines parties témoignent d’un projet initial ambitieux, finalement achevé avec des moyens plus modestes. Cette juxtaposition entre richesse sculpturale et simplicité fonctionnelle renforce le caractère unique de Bab el-Mrisa, symbole d’un passé glorieux marqué par l’ingéniosité et la résilience.

Un témoin silencieux d’un port disparu

Aujourd’hui à demi ensevelie, Bab el-Mrisa continue de veiller sur les anciens rivages du Bouregreg. Elle rappelle que Salé fut autrefois un port prospère, une cité maritime tournée vers le large, et un bastion de la navigation et de la défense côtière. Sa visite invite à une immersion dans l’histoire mouvementée d’une ville au carrefour des échanges et des aventures maritimes.