Grotte des Contrebandiers

Une capsule temporelle de la préhistoire marocaine

À quelques kilomètres au sud de Rabat, nichée dans une falaise surplombant l’océan Atlantique, la grotte des Contrebandiers garde les traces d’occupations humaines vieilles de plusieurs dizaines de milliers d’années. Ce site exceptionnel, découvert dans les années 1950, offre un aperçu rare de la vie au Maroc préhistorique, de l’Atérien au Chalcolithique. Creusée dans les formations calcaires du Tyrrhénien , la cavité se compose d’un abri exposé à l’ouest et d’un couloir plus profond orienté vers l’est. Sept niveaux archéologiques distincts y ont été identifiés, révélant une stratigraphie complexe et une longue durée d’occupation.

Une grotte aux strates de temps

Le niveau I, le plus récent, contient un mélange d’objets historiques et néolithiques : poteries berbères, sépultures modernes, mais aussi grattoirs en silex, hache polie, parures en coquillage et en schiste. Un vase campaniforme décoré de motifs pointillés y évoque des influences culturelles venues de la péninsule Ibérique, probablement via des échanges transméditerranéens au Chalcolithique.

Le niveau II, daté de l’Épipaléolithique, présente une industrie plus légère, adaptée à des modes de vie de chasse et de collecte : burins, lames retouchées et microburins témoignent d’un savoir-faire technique bien établi.

Mais ce sont les niveaux III et IV qui attirent le plus l’attention des préhistoriens. On y a retrouvé des outils caractéristiques de l’Atérien — grattoirs et pointes à retouches envahissantes — ainsi que des restes humains, dont une mandibule. L’analyse menée par le Dr Vallois a mis en lumière des traits morphologiques proches de ceux des Néandertaliens européens, une découverte qui alimente encore aujourd’hui les débats sur l’évolution des populations préhistoriques nord-africaines.

Les couches inférieures (V à VII), moins riches en vestiges, contiennent principalement des sédiments marins et restent peu explorées à ce jour.

Un symbole gravé dans la pierre

À proximité immédiate de la grotte, un abri naturel protège une gravure ancienne représentant une silhouette humaine stylisée, haute de 63 centimètres. Cette œuvre rupestre suggère une dimension symbolique ou spirituelle, attestant d’une vie culturelle déjà développée à une époque où l’écriture n’existait pas encore.

Un site à fort potentiel scientifique

La grotte des Contrebandiers est bien plus qu’un simple refuge naturel : c’est un carrefour culturel où se croisent traditions locales, influences ibériques et évolutions humaines. Elle documente un moment crucial de l’histoire préhistorique nord-africaine, marqué par la transition entre le Paléolithique moyen (Atérien) et les périodes plus récentes.

Bien que certaines strates restent encore insuffisamment étudiées, les découvertes réalisées jusqu’ici font de ce site un jalon essentiel pour mieux comprendre les trajectoires biologiques et culturelles des premiers habitants du Maghreb.