La nécropole de skhirat

Sous les sables, des secrets néolithiques

À première vue, rien ne distingue la côte venteuse de Skhirat d’un paysage atlantique ordinaire. Pourtant, sous ce cordon dunaire balayé par le vent, une découverte majeure bouleverse notre compréhension des sociétés néolithiques du Maghreb. Depuis plus de six mille ans, des tombes silencieuses y reposent, témoins d’un monde où la mort n’était pas seulement une fin, mais une cérémonie codifiée, profondément ancrée dans les croyances et les structures sociales.

Un site funéraire d’exception au cœur des dunes atlantiques

Nichée dans les dunes littorales de l’oued Cherrat, à une vingtaine de kilomètres au sud-ouest de Rabat, la nécropole néolithique de Skhirat – également connue sous le nom de Rouazi Skhirat – constitue le plus vaste ensemble funéraire du Néolithique moyen identifié à ce jour dans le nord du Maroc. Mise au jour en 1980, elle remonte au 4ᵉ millénaire avant notre ère et témoigne d’une complexité rituelle et sociale remarquable.

Des sépultures d’enfants et des offrandes mystérieuses

Le site regroupe 87 sépultures primaires, 14 dépôts mobiliers ainsi que 11 crânes isolés, en plus de vestiges d’un habitat voisin, suggérant un lien étroit entre la vie quotidienne et les pratiques funéraires. Parmi les caractéristiques les plus frappantes de cette nécropole figure la présence significative de nourrissons décédés avant l’âge d’un an, parfois inhumés avec des objets rares ou symboliques : perles façonnées dans des coquilles d’œufs d’autruche, haches polies, pigments, céramiques et artefacts en ivoire.

Une organisation funéraire profondément codifiée 

L’organisation des tombes révèle une structuration élaborée en « unités conceptuelles » : de petits groupes de deux à trois individus – enfants ou adultes – inhumés ensemble, reflétant probablement des liens biologiques, sociaux ou affectifs. Ces unités sont séparées par des espaces volontairement laissés vides, évoquant des cheminements ou des zones de circulation à usage rituel, signe d’une gestion très codifiée de l’espace funéraire.

Des morts déplacés pour être honorés 

Certains défunts présentent des marques laissant supposer un transport post-mortem, avec des corps enveloppés ou contraints, destinés à être intégrés dans cette nécropole de manière réfléchie. Une telle pratique traduit une forte charge symbolique, et sans doute un rôle mémoriel ou identitaire au sein de la communauté.

Un recrutement funéraire révélateur des rapports sociaux 

L’analyse du recrutement funéraire révèle également des tendances significatives. Alors que les sépultures d’enfants très jeunes semblent correspondre à une mortalité naturelle, sans tri sélectif, celles des adultes mettent en lumière une surreprésentation des jeunes femmes. La distribution spatiale, analysée statistiquement, montre en outre un regroupement spécifique des enfants périnataux, distinctement séparés des adultes masculins et des adolescents, révélant une hiérarchisation implicite dans les pratiques d’inhumation.

Une fenêtre unique sur les sociétés néolithiques du Maghreb 

La nécropole de Skhirat offre ainsi un aperçu exceptionnel sur les sociétés néolithiques : leurs rites, leur conception de la mort et des liens familiaux, mais aussi leur organisation sociale et symbolique. Ce site, unique par sa richesse et sa complexité, constitue une source précieuse pour mieux comprendre les cultures préhistoriques du Maghreb.