Les aqueducs de Rabat

L’Aqueduc almohade

L’Aqueduc almohade de rabat appelé aussi l’aqueduc d’Aïn Ghboula,est  érigé au XIIᵉ siècle. Il  se présente comme l’un des jalons majeurs de l’ingénierie hydraulique médiévale marocaine. Il a pour fonction de capter les eaux limpides de la source éponyme, située à quelque quinze kilomètres au sud-est de Rabat, et de les conduire vers le cœur de la ville. Selon le chroniqueur Ibn Abi Zar’a dans son livre « Rawd al-Qirtass », cet ouvrage, achevé en 545 de l’Hégire (1150 jc), est attribué au premier calife almohade Abd el-Moumen (1130-1163), illustre fondateur de la dynastie almohade, dont la vision urbanistique et stratégique a profondément marqué le territoire.

L’aqueduc alimentait un ensemble de réservoirs implantés au sein de la Qasba des Oudaia, initialement appelée el-Mahdiyya. Ces réservoirs constituaient le pivot d’un réseau complexe approvisionnant la grande mosquée (Al Jami Al Atiq), le palais, les habitations de la Qasba ainsi que l’armée almohade stationnée à Ribat el-Fath, garantissant un flux continu d’eau potable. La protection de cette source vitale était assurée par la forteresse almohade de Dchira (au sud de l’actuel Témara), édifiée sur 280 mètres de longueur et 145 mètres de largeur, et flanquée de seize tours défensives, manifestant l’attention portée à la sécurité hydraulique et à la planification urbaine.

L’aqueduc, loin de perdre sa fonction après la chute des Almohades, continua à desservir Ribat el-Fath et fut périodiquement restauré par les dynasties ultérieures, attestant de sa pertinence et de sa résilience. Il constitue un témoignage tangible du génie technique et architectural du Maroc médiéval, et demeure un élément crucial pour la compréhension de l’histoire urbaine et hydraulique du royaume.

Le tracé de la canalisation révèle un savoir-faire remarquable. Depuis la source d’Aïn Ghboula jusqu’aux vestiges relevés en 1922 devant la porte de Bab Chellah, l’aqueduc suit une pente soigneusement calibrée et traverse successivement les quartiers de Guich el-Oudaia (près de Témara) et de Hay Riad via l’avenue Abd Rahim Bouabid, atteint l’avenue Mohammed Bel Arbi-el Alaoui, longe l’angle de l’avenue des Nations Unies et de la rue Ibn Hanbal, avant de se terminer à la rue Bab Chellah. L’ouvrage était constitué de canaux maçonnés en béton comme ceux retrouvés près de Bab Chellah, partiellement voûtés, avec des systèmes de régulation de débit. par-delà l’aspect utilitaire, Cet ouvrage illustre,  l’excellence de l’ingénierie hydraulique almohade et sa parfaite intégration dans l’espace urbain.

L’aqueduc alaouite

Outre l’aqueduc d’Aïn Ghboula, Rabat bénéficiait d’une seconde canalisation majeure, connue sous le nom d’aqueduc d’Aïn Atiq. Cette infrastructure traversait un territoire d’environ dix-neuf kilomètres, reliant l’actuelle commune d’Aïn Atiq à la capitale et assurant l’approvisionnement régulier de ses habitants. La construction de cet ouvrage est généralement attribuée au sultan alaouite Sidi Mohamed Ben Abdellah (1757-1780), soucieux d’optimiser le réseau hydraulique urbain.

Au début du XXᵉ siècle, la majeure partie de la canalisation était encore à ciel ouvert, franchissant l’enceinte extérieure alaouite à proximité de Bab al-Qbibat. Au-delà de ce point, ou à sa proximité immédiate, le conduit s’enfermait dans un massif maçonné surélevé de près de 2,50 mètres par rapport au sol, témoignant d’une maîtrise technique remarquable et d’une attention particulière portée à la protection des eaux contre toute pollution ou détournement.

À environ deux cents mètres de Bab el-Alou, l’aqueduc se subdivisait en plusieurs branches : certaines desservaient les fontaines publiques, les hammams et les mosquées, tandis que trois conduits spécifiques approvisionnaient les demeures seigneuriales. Cette organisation complexe et hiérarchisée illustre non seulement l’ingéniosité hydraulique de l’époque, mais également l’art de l’urbanisme au service des fonctions sociales, religieuses et politiques de la ville.